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LE LIT DE DIAMANTS.

Or, la partie curieuse de Hambourg est précisément celle qui borde l’Elbe et le port, si bien que l’Américain ne puisa qu’un plaisir relatif à la promenade. Il rentra à l’hôtel juste à point pour ne pas s’avouer qu’il s’ennuyait.

Mais le lendemain, sa visite à la poste étant demeurée aussi infructueuse que le premier jour, Tril ne put se dissimuler plus longtemps que l’ennui pesait sur lui, si bien que le soir venu, il se risqua sur les quais et parcourut les huit kilomètres de bassins successifs s’étendant d’Altona au pont de l’Elbe.

Les centaines de bateaux avec leurs feux de position, les digues, les quais, les îles subdivisant le fleuve en un méandre de canaux au balisage lumineux, constituaient une illumination féerique, et l’Américain, encore qu’il fût imbu du nil admirari, que les citoyens des États-Unis semblent avoir emprunté aux Latins, ne résista pas à se déclarer avec franchise que cela valait la peine d’être vu.

La troisième journée de séjour ne lui ayant apporté aucune nouvelle de ses correspondants, il renouvela la promenade au port, irrésistiblement attiré par le tableau éblouissant que Hambourg présente une fois les ténèbres venues.

La fortune aime les audacieux, dit-on. Cela peut être vrai, mais la fortune est variable comme la mer, si bien que les pauvres audacieux ne sont pas certains d’être aimés tous les jours.

Tril était bien jeune pour formuler une réflexion de ce genre. Et ce fut dommage, car elle lui eût enseigné la nécessité de la prudence et évité ainsi une catastrophe, qui se produisit exactement à onze heures vingt-cinq.

Le jeune garçon se promenait le long du quai Baumewat dans une sécurité trompeuse, il ne faisait pas attention que le bassin Binnen était tout proche, ce bassin Binnen qu’il eût dû éviter entre tous, puisque là était le point d’attache du vapeur Luisa.

Il allait, les mains dans ses poches, sifflotant un air quelconque de music-hall américain, quand tout à coup, il se sentit saisi par le bras, tandis qu’une voix, trop reconnaissable hélas, résonnait à ses oreilles :

— Ah ! je te retrouve, mon gaillard, tu vas m’expliquer pourquoi tu enfermes les gens à bord d’un bateau où tu n’as que faire.

C’était le capitaine Walter, accompagné par Klobbe et Niklobbe.

D’une brusque secousse, Tril se dégagea. Walter n’avait pas cru utile de serrer bien fort un ennemi de si faible stature. Libre, le gamin bondit en avant avec la pensée d’échapper par la rapidité de sa course au péril soudainement dévoilé.