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LE LIT DE DIAMANTS.

— Satané Pétunig, s’exclama le géant en extase ! Vrai, il n’y a que lui pour avoir une idée pareille.

Mais son camarade secoua modestement la tête.

— Ne dis pas de bêtises, c’est toi qui l’as eue. Toi-même, mon gaillard. Je l’ai lue dans tes yeux et j’ai exprimé ce que je lisais.

Son lourd compagnon le regardant d’un air hébété, il poursuivit :

— Enfin, va toujours chercher les manteaux. Tu es peut-être somnambule, tu as des idées extraordinaires, et tu ne t’en doutes pas.

L’athlète s’éloigna en courant. Véritablement, il se sentait une reconnaissance infinie pour ce cher Pétunig qui déchiffrait sa pensée beaucoup mieux que lui-même.

Le vapeur avait cependant largué ses amarres. Il se dégageait, en petite vitesse, des autres embarcations attachées à la rive.

Pétunig s’accouda au bastingage, donnant un dernier regard au paysage, en attendant le retour de Siemens. Il tournait ainsi le dos à l’endroit où s’alignaient en bel ordre les mets dont les coquins s’allaient régaler.

Tril se rendit compte de cette situation favorable. Ses mains passèrent entre la bâche et le bordage du canot ; elles happèrent une écuelle de pommes de terre, deux bouteilles, un pain et la pile de tranches de jambon se dressant, ainsi qu’une construction de granit rose, sur une assiette de faïence à larges fleurs bleues.

À peine ce larcin était-il accompli que Siemens se montra. Le géant rapportait les manteaux, et même, voulant améliorer la bonne pensée dont Pétunig l’avait si adroitement gratifié, il avait chargé sur ses épaules un matelas, qu’il jeta sur le plancher en grondant d’un air satisfait :

— Le matelas et les manteaux, ça sera encore plus moelleux.

Kolossal ! approuva Pétunig. Kolossal ! Tu te formes tous les jours, mon gros Siemens. Si jamais je me mets marchand ambulant, on s’associera tous les deux. Je porterai le fouet et toi la voiture.

Là-dessus, il s’installa commodément sur le matelas en disant :

— À table, Siemens. Et avoue, sans fausse modestie, qu’il n’y a pas deux hommes pour dresser le couvert aussi bien que toi.

Le colosse se rengorgeait déjà, quand ses yeux parcoururent l’alignement des victuailles ; il devint écarlate, ses yeux semblèrent prêts à jaillir de leurs orbites, et il meugla d’un ton lamentable :

— Le jambon, les pommes de terre, le vin, qu’est-ce que tu en as fait ?

Pétunig s’était retourné au cri de son compagnon. Cette fois, il fut aussi surpris que Siemens lui-même. Il regarda autour de lui, en haut, à droite,