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MISS VEUVE.

Margarèthe s’était levée. Toute droite, les traits égarés, elle écoutait.

— Montez à cheval et accourez sans perdre une seconde. Une demi-heure, trois quarts d’heure vous sont nécessaires ?… C’est bien, au revoir… Enchanté de pouvoir vous renseigner.

Margarèthe murmura :

— Mais si vous faites prendre Herr François…

— On ne le prendra pas. Tu vas voir dans un instant. J’ai imaginé une petite combinaison qui fera le bonheur de tout le monde, et le mien.

Il revint au téléphone. Successivement, il transmit les indications communiquées à Postdam, aux diverses fractions de gendarmerie, en résidence à Nowarès, à Glienicke, à Neuendorf, à Tellower-Vorstadt, localités circonvoisines du Babelsberg. Enfin, il termina cet avertissement circulaire.

Alors il se rapprocha de Margarèthe et, avec une bonhomie si parfaitement jouée, que la jeune femme ne soupçonna pas qu’elle allait, une fois de plus, devenir l’instrument inconscient des tortueuses combinaisons de son père :

— Prends une mantille, ma toute belle.

— Pourquoi ? Allons-nous donc sortir ?

— Toi, oui. Je souhaite que tu montes jusqu’au belvédère du parc.

— Mais c’est là que se trouve Herr François.

— Justement. C’est pour que tu le rencontres. Ne m’interromps pas. Tu lui diras qu’adversaire loyal, résolu à tenir mes promesses, je viens d’être avisé que sa présence dans le pays a été signalée, que les brigades de gendarmerie des environs sont en marche vers Babelsberg ; qu’il prenne ses précautions pour n’être pas surpris.

Et la jeune femme le considérant avec des yeux stupéfaits.

— Alors, ma pauvre petite, tu ne comprends pas que j’ai convoqué ces braves gendarmes pour qu’ils protègent la fuite d’un pauvre homme persécuté.

— Mais comment ? Comment ? Je me perds dans le dédale de vos combinaisons.

— Ah ! voyons ! réfléchis. Que va-t-il se produire ? Les militaires arrivent, François s’envole aussitôt et se met hors de leur portée. Seulement, il cesse de surveiller mon logis, et je puis en profiter pour fuir, pour sauver ma tête et ma liberté, puisque j’en suis réduit là.

L’espion avait prononcé ces derniers mots avec une telle humilité que Margarèthe se sentit émue. Tout bas, elle s’accusa d’avoir trahi son père. Il était espion, fourbe, terrible aux autres, mais vis-à-vis d’elle, ne s’était-il