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L’AÉROPLANE-FANTÔME

d’autant moins dur que l’on s’y entraîne davantage, je vais prendre la faction de suite. Je ne vivrais pas à la pensée que ce scélérat d’Allemand est libre de s’échapper.

François reprit donc sa marche, escorté par les trois amis de Tril, tandis que celui-ci se faufilait, avec la prestesse d’un lutin, à travers les branchages du sous-bois. Bientôt il s’arrêta à la lisière de la clairière, et, lançant un regard de défi au blockhaus, dont le cube trapu se dessinait au milieu du liseré noir du fossé, il murmura :

— Mon gros Von Karch, je suis là !

La méfiance du gamin était justifiée. Comme tous ceux dont l’enfance a été abandonnée, Tril avait pris de bonne heure l’habitude d’observer les hommes dont, chétive épave de la société, il avait tout à craindre et avait bien raison de juger que Von Karch agirait dans l’avenir comme il avait agi dans le passé.

Mais ce que le gamin ne pouvait faire, c’était mesurer la profondeur de la fourberie de l’espion.

François éloigné, l’Allemand s’était précipité dans la pièce où l’arrivée de l’ingénieur avait troublé son entretien avec sa fille. Sur son ordre, Margarèthe l’avait suivi. Il lui avait indiqué un siège.

— Assieds-toi ; pas un mot, pas un mouvement pendant que je m’occupe d’assurer mon salut. Nous causerons ensuite.

— Votre salut ? murmura-t-elle.

— Sans doute. Tu m’as trahi ; je ne te fais pas de reproches ; tu fus stupide. Un point c’est tout. Mais j’ai de toi une opinion assez avantageuse pour croire que tu ne désires pas absolument me voir pendu ou condamné à la prison perpétuelle.

— Oh ! père !

Il coupa brutalement la protestation.

— Pas de phraséologie inutile. Je suis bien sûr que si ta tête est faible, ton cœur est resté bon. Je te le prouve, puisque je vais opérer devant toi, ne te cachant rien. C’est de la confiance ou je ne m’y connais pas, ma jolie !

Tout en parlant, il avait décroché le parleur du téléphone, fixé au mur, près de la grande cheminée de la salle.

— Allo ! allo ! Gendarmerie de Postdam ? Bien, vous écoutez… L’homme qui se fait appeler Miss Veuve, qui, à Eissen, à Grossbeeren, a détruit les ateliers et l’aéroplane militaires, se trouve actuellement dans le parc de Babelsberg, à la Colonne Belvédère. Il compte y passer la nuit.