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MISS VEUVE.

— Donnez-moi votre parole que vous sortirez seul de cette maison, que durant huit jours vous ne tenterez rien contre moi, vous bornant à vous assurer que je ne quitte point cette enceinte. Si je cherche à m’éloigner, vous resterez libre de vous y opposer par tous les moyens. Votre parole me suffit, et je me retire durant une demi-heure, vous donnant ainsi licence d’un entretien qui vous démontrera que les morts de Fairtime ont été parfaitement traités, et vous donnera confiance pour le suprême délai que je réclame.

— Eh ! par l’orteil de Satan, donnez la parole que l’on vous demande, s’écria Lord Gédéon Fairtime, puisque, aussi bien, nous sommes tous sous la griffe du diable.

— Vous le voulez ? murmura le jeune homme hésitant encore. Et vous, Édith ?

Elle l’enveloppa de son regard azuré, et d’un accent doux autant que la plainte du vent dans les feuilles :

— Je ne veux pas mourir, François. Faites que je vive !

— Soit donc.

Et se tournant vers l’espion, l’ingénieur prononça d’une voix ferme :

— Herr Von Karch, vous avez ma parole. Mais songez-y bien : huit jours durant lesquels mes yeux seront sans cesse ouverts sur vous.

— Ce sont les termes mêmes de ma proposition. Donc, nous sommes d’accord. Et, pour commencer, je réalise la promesse que je vous ai faite tout à l’heure. Je vous laisse avec vos amis, sans témoins, pendant une demi-heure.

L’espion avait pris une physionomie riante. Il semblait que le succès de sa laborieuse négociation le remplissait d’aise. Il fit un signe. Les liens des prisonniers tombèrent, les appareils d’électrocution se replièrent le long du mur, et les serviteurs du traître quittèrent derrière lui le salon des Fairtime.

Une fois dehors, Von Karch, saisissant la main de Margarèthe titubant sous l’empire des émotions ressenties, l’entraîna dans le couloir, où un judas d’observation lui avait permis, quelques jours plus tôt, de surprendre l’entretien de la belle Allemande avec les captifs.

— Viens, ma blonde, fit-il d’un ton doucereux. Tu es une sentimentale ; cela t’amusera d’entendre un doux dialogue de fiancés.

Libres ! En face l’un de l’autre, Édith, François, dans un élan impulsif, se joignirent, et la jeune fille appuya sa tête blonde sur l’épaule de l’ingénieur. Du fond de son cœur, François sentait monter à ses lèvres des paroles qui s’échappaient, sans qu’il songeât à les retenir.