Sire, je reviendrai. Mais auparavant, moi qui en ai appelé au monde de la trahison de Von Karch, je veux lui crier à pleine voix comment le Maître de l’Allemagne sait se plier à la justice.
Déjà sur l’entablement de la fenêtre, le visiteur prenait un double crochet de fer qu’il y avait déposé à son arrivée, et en introduisait les crocs recourbés dans deux anneaux fixés à sa ceinture.
Le souverain remarqua que les crochets étaient suspendus à des cordelettes, qui se tendaient, de même que si elles avaient été tenues par les mains amies de personnes juchées sur le toit.
Listcheü opéra une traction sur ces filins, et soudain, il fut enlevé par la fenêtre, comme aspiré en haut. L’Empereur vint à la baie ; il ne vit plus rien. Le visiteur avait disparu. Alors, il referma, et s’asseyant devant son bureau, il lança gaiement :
— J’ai idée que je vais bien travailler. Je me sens léger comme un flocon de neige.
Cependant Listcheü, rapidement enlevé par le treuil ménagé dans le plancher de l’aéroplane, atteignait le navire aérien qui, durant l’entretien précédent, s’était maintenu au-dessus des toitures impériales.
Tril et ses amis, Vaniski et ses fillettes, le flegmatique Klausse lui-même, formulent une ardente interrogation. Il répond par ce monosyllabe :
— Oui.
Et ce mot si court amène une stupeur joyeuse. Oui, cela signifie : l’Empereur a consenti. Je connais la retraite du misérable traître qui, depuis si longtemps, se dérobe à nos recherches.
Car tous savent ce que le doktor est allé chercher auprès du Maître de l’Empire allemand.
Après sa visite au professeur Berski, Listcheü a résolu cette entrevue avec l’Empereur. Il s’est promis de lui apporter le nom de Kremern si miraculeusement découvert, et de lui demander, en échange, le nom de l’endroit où se terre le traître.
Toutefois, en sa générosité, il a voulu avant toute chose, assurer la sécurité des pauvres Polonais recueillis à son bord.
À une vitesse vertigineuse, l’aéroplane a fait route vers le nord-ouest. Il a franchi la frontière danoise et, à quelques kilomètres, il a atterri près d’une ferme, à Weeneborg, où le brave propriétaire de l’exploitation, un de ces Danois qui ne renoncent pas au Schleswig et au Holstein, a consenti aisément à héberger les fugitifs.
Vaniski, Mika, Ilka, vivront là, à l’abri de la misère et des vexations.