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MISS VEUVE.

s’est jamais défendu de cet acte. Je voulais dire : « Vous pensez rendre l’honneur au mort en tenant en votre pouvoir son persécuteur. »

— Oui, Sire, l’aveu du coupable, de ses complices…

— Bien. Oh ! l’homme a tout mon mépris. Il a menti à tous comme à nous qu’il prétendait servir. Son nom même, il s’en est glorifié devant notre Chancelier, est un masque.

— Que je lève, Sire. Von Karch se nommait autrefois le comte de Kremern, réputé mort ainsi que sa fille, durant un voyage en Asie.

— Kremern ! répéta l’Empereur. Puis sa mémoire bien connue lui retraçant l’histoire attachée au nom de Kremern, il reprit avec une expression de dégoût : « Ah ! oui, Kremern, voleur au jeu, puis faussaire ! »

Il ébranla le parquet d’un violent coup de talon.

— Et c’est d’un tel misérable que je restais prisonnier.

Rapidement, il tourna autour de la table, s’approcha de son interlocuteur, et, lui prenant les mains :

— Vous avez bien fait de venir. L’aspect des gens de cœur chasse toutes les arguties dont on nous obscurcit la cervelle. Von Karch ou Kremern a trouvé asile… (Oh ! ce n’est pas moi qui le lui ai ouvert ; j’en rougirais de honte). Il se cache dans le parc impérial de Babelsberg, en face de Postdam.

— Oh ! Sire, merci.

— Je n’ai pas fini. Frappez sans tarder, vengez celui qui n’est plus. Je ne mets aucune condition de délai. C’est de moi, Guillaume de Hohenzollern, que vous avez réclamé justice. Je vous la donne pleine et entière.

Miss Veuve essuya une larme, et d’un ton pénétré :

— Sire…

Son interlocuteur l’arrêta :

— Ce n’est pas à vous à formuler un remerciement. Je demeure votre obligé, vous m’avez tiré du doute, de l’indécision.

— Mais que Votre Majesté daigne se rappeler. Elle parlait à l’instant d’un scandale s’abattant autour d’elle…

Les doigts du souverain s’incrustèrent dans les mains du docteur :

— Plus un mot à ce sujet. Tant pis si la personne de l’Empereur souffre. Ce qui est juste est au-dessus de ce qui est seulement impérial.

Puis, la voix changée, une nuance d’affection dans l’accent :

— Mais après, après, ne craignez pas de procurer à l’Empereur le plaisir de revoir un honnête homme.

— Ah ! s’écria Listcheü avec une émotion dont tremblaient ses paroles.