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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Un simple mouvement de l’index sur la gâchette, et l’Empereur serait débarrassé de son ennemi. Véritablement, l’occasion est tentante.

Mais Miss Veuve ne s’est pas adressée en vain à la chevalerie de son interlocuteur. L’adversaire qui se présente sans armes, en confiance, doit être respecté.

L’Empereur ne résiste pas à l’impulsion de curiosité qui monte en lui. D’un mouvement brusque, il jette sur le bureau son revolver, va reprendre place sur le fauteuil et, désignant un siège au visiteur :

— Asseyez-vous, Monsieur. Dites sans crainte ce que vous espérez de moi. Ce n’est jamais en vain qu’on s’adresse à la justice d’un Hohenzollern.

Son interlocuteur fléchit le genou, marquant ainsi son admiration pour le tout puissant qui courbe son orgueil, son pouvoir, sous la volonté de l’honneur. Il s’assied cependant. Et son hôte impérial ayant murmuré :

— J’écoute.

Il commence lentement :

— Sire, souvenez-vous ; ma foi en votre loyauté n’a point varié. Pris par le devoir de réhabiliter François de l’Étoile, odieusement calomnié par un drôle, je suis venu à vous. Une lettre vous demandait justice.

— Passons, prononce vivement l’Empereur que ce début importune, car il lui rappelle la situation dont il souffre encore, dont il exprimait tout à l’heure sa lassitude à son Chancelier.

Mais Miss Veuve insiste :

— Non, Sire, pas ainsi. À cet accueil gracieux, je veux répondre par la vérité entière. Je veux que toute ma pensée vous soit connue.

Et secouant la tête d’un mouvement mélancolique :

— J’ai souffert, Sire, et je n’accuse point à la légère. Ma lettre est demeurée sans réponse. J’ai accusé, non le souverain captif d’une organisation, mais l’organisation actuelle. Toujours, j’ai jeté le blâme sur un service de renseignements qui, j’en suis certain, vous blesse autant que moi-même.

— J’ai ordonné la réforme totale de cette institution, déclara nettement l’Empereur, et je tiendrai la main à ce que ma volonté soit réalisée.

Vraiment, les deux adversaires en présence éprouvaient une réelle estime l’un pour l’autre. Le souverain entendait sans colère un langage qu’il n’eût toléré de personne ; il avouait ses projets avec une confiance qu’aucun à sa Cour n’avait jamais obtenue.

Ils eurent conscience de l’étrangeté de cette sympathie instinctive. Leurs visages perdirent le caractère de gravité sévère qu’ils avaient conservé