Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
MISS VEUVE.

— Herr Doktor, ou Miss Veuve, fit-il avec une nuance d’hésitation, voulez-vous me permettre de vous adresser quelques questions. Il s’agit de la manœuvre de notre… voiture.

Le gamin s’arrête comme s’il craignait d’aller plus loin. Et le visage pâle de son interlocuteur s’empreint d’une bonté ineffable.

— Petit Tril, je t’ai dit qu’un jour vous me remplaceriez à la direction du planeur. Je ne demande donc pas mieux que de t’instruire. Parle sans crainte. Je n’ai point de secrets pour mes amis.

Encouragé ainsi, l’Américain prononce très vite :

— Quand nous planions au-dessus du champ d’expériences de Grossbeeren, nous étions bien à mille mètres au dessus des dirigeables allemands ?

— À deux mille cinq cents exactement. Cette altitude était nécessaire pour que nos adversaires ne nous pussent distinguer.

— Si vous le voulez, ou plutôt je veux dire, cela doit être puisque vous l’affirmez.

Le petit bredouille quelque peu. Il se hâte d’arriver à une question qui brûle ses lèvres. Suzan, Joé, Ketty sont penchés en avant. Leurs yeux disent l’intérêt qu’ils attachent aux paroles qui vont être prononcées.

— Donc, reprit Tril, nous les dominions de deux kilomètres et demi. Eh bien, je ne comprends pas comment vous avez pu provoquer avec certitude la déchirure des dirigeables ?

— Tu as cependant vu.

— Que vous avez lancé des projectiles spéciaux par le tube lance-tout établi à l’arrière.

— Eh bien ?

— Eh bien, cela m’étonne qu’ils soient arrivés à leur adresse.

Le docteur sourit. Évidemment, il devine le sens de la pensée du gamin, mais il lui plaît de le forcer à s’expliquer davantage, et c’est avec une douce ironie qu’il murmure :

— Quand on envoie un projectile, on souhaite atteindre le but. Pourquoi t’étonner d’un résultat cherché ?

— Ah voilà ! On m’a appris en Amérique qu’un objet lancé d’un ballon ne tombe pas verticalement. Il tombe suivant une ligne, une trajectoire comme l’on dit, qui est la résultante des deux forces : la vitesse de translation de l’aérostat, à laquelle le projectile participe comme tout ce qui est soutenu par le ballon, et l’attraction terrestre ou pesanteur, qui l’appelle vers le sol.