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L’AÉROPLANE-FANTÔME

enveloppe les curieux d’un disque de clarté. Avant qu’ils aient pu manifester leur surprise, une voix jaillit du fond de l’ombre :

— Je ne me suis pas trompé. Je suis ici chez un Polonais exilé des demeures de pierre.

— Cela se voit, hélas, prononce le paysan qui n’a évidemment pas conscience de penser à haute voix. Qu’espères-tu de celui qui n’a rien pour lui-même ?

— L’hospitalité de son champ, répond la voix.

— Qui donc es-tu pour demander si peu ?

— Un proscrit plus torturé que toi.

— Un proscrit !

Ce mot a transformé l’âme du paysan. Sa surprise, ses soupçons, ses craintes se sont envolés. Il fait un geste d’accueil. L’interlocuteur le voit sans doute, car il s’empresse d’ajouter :

— Je suis un proscrit, mais un proscrit qui se venge.

— Ah ! s’écria Vaniski, je serai cela demain.

Il saute à bas de la fourragère, court vers le wagon si mystérieusement arrivé dans son champ. Mika et Ilka le suivent. Elles aussi sont rassurées. Les plus petits enfants de Pologne savent le sens du mot cruel : proscrit.

Le cultivateur s’avance avec des signes de bienvenue. Il discerne la silhouette d’un homme au point même d’où jaillit le rayon lumineux. Et à cette ombre humaine, qui éclaire la marche du Polonais par le jet rayonnant d’une petite lampe électrique, Vaniski crie :

— Proscrit, le Christ de Pologne étende sa main secourable sur ton front. Tu es chez toi sur la terre de Vaniski.

La voix répond avec une pointe d’émotion :

— Sois remercié, Vaniski ; approche, approche. Je veux te rendre confiance pour confiance.

Le paysan obéit. Il est tout près du wagon maintenant. Il discerne un escalier pliant, accédant à une porte ménagée à l’arrière du véhicule étrange. Au haut des degrés se tient l’inconnu.

— Tes enfants ? murmure celui-ci d’un ton interrogateur.

Il a aperçu les deux sœurs entrelacées à côté de leur père.

— Oui, mes filles, Mika et Ilka.

— Entre avec elles dans ma maison roulante.

Et comme le paysan marque une certaine hésitation, l’autre reprend, la voix adoucie :

— Ne crains rien, Polonais. Mon nom te prouvera que nous avons les mêmes ennemis.