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MISS VEUVE.

S’être drapé dans la pourpre des héros surhumains de Richard Wagner, et se rapetisser à la taille d’un simple mortel, esclave des sentiments moyens de famille et d’intérêt. Quelle chute pour une âme altière !

Soudain, il tressaillit. La douce voix de la princesse Louise-Marie résonnait à son oreille. Assise derrière lui, elle s’était inclinée en avant ; sa jolie tête s’appuyait sur l’épaule du souverain, et ses frisons caressaient la tempe du douloureux maître de l’Allemagne.

— Père ! Pardonnez-moi.

— Te pardonner ? Que puis-je avoir à te pardonner, petite Louise-Marie ? murmura l’Empereur en regardant avec tendresse le joli visage penché vers lui.

— Je me suis étonnée de vous voir hésiter devant la chose ignorée de moi, que vous m’avez déclarée être juste.

— Et maintenant ?

— Je vois que vous êtes triste, je comprends qu’il doit y avoir un secret terrible. Sans demander à le connaître, je pleure avec vous.

Il la considéra avec une tendresse douloureuse :

— Ah ! petite. Dans quelques jours, je te dirai tout, à toi. Ce te sera une leçon de gouvernement. À présent, je te remercie de ta pitié, Louise-Marie ; seule, tu pouvais m’amener à l’accepter sans révolte d’orgueil.

On eût cru que cette minute d’expansion humaine avait réconforté le Maître. Il se leva, et tandis que le Grand piqueur courait faire avancer les équipages de la Cour, il prit dans les siennes la main tremblante de la princesse.

— Petite, fit-il d’un accent impossible à rendre, si tu savais comme il est pénible d’être tout puissant !

La plainte solitaire, exhalée trois jours auparavant dans le silence de ses appartements, il la confiait à cette heure à cette jeune femme, ressentant la volupté de partager un fardeau trop pesant. Le cœur avait vaincu l’esprit. La pitié d’une adolescente avait triomphé de l’orgueil atavique.

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Au sud de l’aérodrome de Grossbeeren, on s’en souvient, des collines, aux flancs vêtus de forêts, avaient caché l’engin étrange, dont l’apparition fugitive avait bouleversé les milliers de spectateurs rassemblés pour applaudir aux essais de l’aéroplane militaire.

Or, une heure après la foudroyante aventure, un peloton de hussards rouges cheminait, au pas de ses chevaux, dans une large avenue percée à travers les taillis.