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L’AÉROPLANE-FANTÔME

se superposant, se brouillant. Les lèvres ne sauraient formuler une pensée nette. Tous regardent en l’air. Ils cherchent machinalement l’obsédant ennemi dont le nom les épouvante.

Le ciel s’étend, désert, voûte d’azur délavé, qui semble s’appuyer là-bas, au Sud, sur les collines boisées qui bornent l’horizon. Et leur raison se révolte contre l’affirmation implantée en eux. Où est cette miss Veuve qu’ils accusent ? Pour frapper, en plein jour, il faut se montrer, et elle demeure invisible.

Mais leur attention est attirée ailleurs. L’aéroplane de guerre, sans doute rappelé par des signaux, s’abaisse vers le sol.

Il atterrit. Son équipage descend, prêtant main-forte à une compagnie de fantassins qui s’égaillent autour de lui, interdisant à la foule l’approche de l’engin.

Éloquente est la manœuvre. Elle dit la terreur d’un inconnu que le ciel recèle. Les dirigeables ne sont plus là, établissant une voûte protectrice au-dessus de l’aéroplane, et celui-ci est ramené à terre.

Nul ne s’y trompe. Pour tous, l’autorité militaire a craint une attaque venant du fond de l’éther bleu. Mais quelle attaque ? La réponse impossible détermine dans l’assistance une frénésie de curiosité.

Il n’est pas un inoffensif promeneur qui ne se sente prêt à supporter les plus lourds sacrifices pour posséder la clef de l’énigme. Des cris, des hurlements confus, invectivent l’impassible coupole bleutée qui nargue les colères de la fourmilière humaine.

Mais qu’est-ce encore ? Le pilote Dielen vient de lever le bras vers un point de la voûte céleste. Il indique le Nord.

Son geste fait pivoter tous les assistants dans cette direction ; et un même frisson court sur l’échine des spectateurs. Ils ont vu ce que signalait le pilote !

Le ciel n’est plus désert. Un point noir s’y déplace avec une vitesse impossible à évaluer. Il n’a point de forme précise. Nul ne serait en état de dire à quelle espèce, à quel genre, appartient ce point mobile.

Mais tous murmurent comme s’ils avaient pu entendre les paroles qui ont accompagné le mouvement du pilote du Zeppelin.

— Là, là ! Voyez ! Miss Veuve !

Il y a une minute d’épouvante, un silence douloureux comme celui qui précède les cyclones.

L’objet approche, grandit. On le discerne confusément. Cela affecte, semble-t-il, la forme d’une sorte de bateau au-dessus duquel sont disposées