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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Ce qui étonne les policiers, incompréhensifs de l’âme populaire.

Mais l’Empereur et la princesse comprennent le sens de ces acclamations. Lui devient plus pâle, ses lèvres se serrent sous sa moustache hérissée ; elle rougit, et son regard lumineux soudainement voilé par une émotion inexprimée, semble dire aux assistants :

— Oui, je pense ainsi que vous. Si j’étais au pouvoir, aucune considération d’État ne m’empêcherait de dissiper le cauchemar qui pèse sur la nation allemande.

La communion de pensée entre la jeune femme et le populaire est si évidente que l’on se murmure à l’oreille :

— Si cette petite princesse pouvait agir selon son cœur, les social-démocrates n’auraient plus qu’à plier bagage.

Mais soudain, l’assistance oublie ses préoccupations. L’aéroplane militaire vient d’être tiré de son hangar.

Il est énorme. Il peut porter quinze hommes. C’est presque un navire aérien. Ses dimensions sont colossales. Ses plans porteurs égalent en surface la façade d’une large maison de six étages, et la multitude d’hommes, attelée à ce monstre qui va s’élever dans les airs, donne l’impression d’une fourmilière s’acharnant sur le corps d’un aigle.

L’apparition du gigantesque appareil secoue l’inquiétude générale. Devant cette manifestation du génie allemand, l’orgueil seul a la parole.

On rit des anxiétés de tout à l’heure. Des Ochs ! s’élèvent en acclamations folles. On oublie les menaces de Miss Veuve.

Et les têtes se tournent vers la tribune occupée par le souverain. Toutes ont des hochements approbateurs.

C’est l’Empereur qui a eu raison. Il s’est montré le seul sage en refusant de s’incliner devant la volonté de l’ennemi inconnu.

Mais tout se tait. L’aéroplane s’est élevé majestueusement dans les airs, semant une stupeur sur les assistants.

Les aéroplanes expérimentés jusqu’à ce jour, bien que plus pesants que l’air en réalité, donnaient l’impression d’être plus légers. Celui-ci parait beaucoup plus lourd.

On croirait voir une gigantesque plaque de tôle attaquant l’atmosphère par la tranche.

C’est bien là le plus lourd que l’air, comme le conçoivent les masses. Ceci annonce l’apparition prochaine de l’aéronef, le véhicule aérien définitif, annoncé par les savants, et qui, si longtemps fut relégué au rang des rêves.