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MISS VEUVE.

— L’Empereur préfère la sécurité d’un espion à celle de tout un peuple. Quand donc les Allemands secoueront-ils le joug d’un pouvoir despotique, gouvernant non pour eux, mais contre eux. Voyez-le, votre maître, avec sa face obstinée et indifférente. Il attend paisiblement le malheur qui se produira peut-être et coûtera la vie a quelques-uns de nos fils. Il lui suffirait d’un mot pour l’éviter ; non, il aime mieux exposer ses soldats, les enfants de son peuple, aux coups de l’ennemi que son orgueil a suscité.

Ces voix révolutionnaires font frissonner le troupeau timide des bourgeois, et cependant elles apparaissent comme l’expression de la vérité, lorsque les curieux coulent un regard vers les tribunes officielles.

Dans celles-ci, les gradins regorgent de monde. La noblesse, les hauts dignitaires, les généraux, les femmes de l’aristocratie, secouant sur leurs coiffures des plumes coûteuses, faisant rayonner autour d’elles le scintillement des gemmes précieuses, montrent leur luxe, étalent leur richesse, à l’entour de l’Empereur venu, accompagné de sa famille, pour marquer son estime aux ingénieurs-constructeurs de l’aéroplane de guerre.

Et bon gré, mal gré, la foule constate que le souverain se tient immobile, le visage pâle, mais résolu.

Tous ont l’impression que sous son front gît une volonté immuable que rien, aucune considération, ne réussira à modifier.

On se montre l’Impératrice tenant à la main un mouchoir de dentelles dont elle tamponne machinalement son visage, sans doute couvert d’une moiteur d’angoisse ; et aussi Louise-Marie, si jolie, si douce, dont les grands yeux clairs semblent implorer l’invisible ennemi.

À son cou, la gracieuse princesse porte le gorgerin mystérieusement reçu dans la soirée de réception.

Un bruit se répand. Qui l’a propagé ? Impossible de le savoir. On raconte que le matin, la chère princesse a demandé au monarque la permission de se parer de ce joyau. Et comme l’autocrate la questionnait :

— Qu’espérez-vous de cette exhibition, petite Louise-Marie ?

Elle aurait répondu :

— J’espère, par cette attention, désarmer le bras qui menace au nom de la justice.

L’anecdote est-elle vraie ou apocryphe ? Qu’importe. Elle semble vraie aux spectateurs de la pelouse. La petite princesse y gagne une auréole d’humanité, en opposition avec le régime de fer opprimant la pensée allemande. Des enthousiastes clament parfois :

— Vive la princesse Louise-Marie.