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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Comment l’indiscrétion avait-elle été commise ? Les inspecteurs secrets de la police étaient demeurés impuissants à le découvrir. Le certain est que toute la presse germanique avait conté l’aventure par le menu.

Miss Veuve, ce personnage que nul ne pouvait se vanter d’avoir vu, cet adversaire invisible comme les Esprits de la légende, s’était engagé à détruire l’aéroplane des ingénieurs allemands, si l’oiseau aérien était présenté aux applaudissements de la foule.

Que fera l’énigmatique personnage ?

Les précautions extraordinaires prises par l’autorité, semblent condamner toute attaque à l’insuccès. Partout des soldats, partout des gendarmes. Et l’on pressent qu’auprès de ces gardiens visibles, les brigades secrètes de la police, sans uniforme, sans distinctions apparentes permettant de les reconnaître parmi les spectateurs, se glissent, analysent les regards, captent les paroles échangées. On a conscience qu’une armée d’espions est aux aguets, prête à appréhender quiconque paraîtra suspect. Et ceci cause une gêne, augmente l’anxiété latente. Certains vont jusqu’à murmurer :

— Les militaires et les gendarmes eussent suffi. La Miss Veuve se tiendra tranquille. Que pourrait-elle faire avec un pareil déploiement de forces ?

L’aérodrome est encadré par un cordon ininterrompu de factionnaires ; un bataillon de la garde occupe le vaste hangar de fer où s’abrite l’aéroplane qui va être expérimenté tout à l’heure. Aux abords du champ d’aviation, des batteries d’artillerie sont postées, les équipages attelés, prêts à se porter vers l’ennemi quel qu’il soit.

On remarque que tous les canons usités dans l’armée allemande sont représentés la, depuis l’obusier de campagne, jusqu’au canon contre les aérostats, récemment inventé dans les usines Krupp. Les routes sont parcourues par des patrouilles de cavalerie, incessamment en mouvement.

Et comme si ces précautions formidables ne suffisaient pas, les dirigeables militaires allemands : le Zeppelin, le Gross, le Parsifal, évoluent dans les airs au-dessus de l’aérodrome.

Ce luxe de veilleurs ne rassure pas la foule. Bien au contraire, il la rend nerveuse, impressionnable.

Quelle est donc la puissance de Miss Veuve pour que l’on ait cru devoir mobiliser une armée ?

Tandis que les bourgeois échangent des réflexions à voix prudemment abaissée, car ils ne se soucient pas d’attirer l’attention des gendarmes ou des gens de la police, des social-démocrates circulent de groupe en groupe.

Ils lancent des phrases incisives, où revient comme un leit-motive :