Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
MISS VEUVE.

cesse se jeta dans les bras de son auguste beau-père. Un instant, il la tint pressée contre sa poitrine, puis s’adressant à l’Impératrice :

— Emmenez-la. J’ai besoin d’être seul. Ma pensée mettrait en péril de mort qui la surprendrait, et je me sens faible, j’ai envie de crier ce que tous doivent ignorer.

Dans sa voix vibrait une détresse surhumaine.

Il appliqua ses poings sur ses lèvres comme pour enclore en lui-même les paroles tragiques jaillissant de son cœur. Et, frissonnantes, les deux femmes sortirent, laissant seul celui qui n’a pas le droit de souffrir devant témoins.

À cette heure même, le long des massifs de Lustgarten, à deux pas de ce palais que sa visite avait mis en ébullition, Tril, revêtu maintenant d’un costume de miséreux, rejoignait Suzan et ses amis Joé et Ketty.

Toute la soirée, les trois petits avaient rôdé autour du palais, le couvrant de regards anxieux.

Aussi la réapparition de Tril fut-elle saluée par des exclamations, des poignées de mains. Suzan s’était suspendue à son bras, disant dans ce geste inconscient tout ce qu’elle avait souffert en l’absence du jeune Américain. Un instant, celui-ci s’abandonna aux douceurs de cet accueil affectueux. Puis, d’un ton net, il parla :

— Je n’ai pu revenir plus tôt ; un cadeau à une princesse, un souvenir à une ambassadrice. Enfin, me voici. Il faut aller prendre du repos, car demain nous devrons être à sept heures du soir au rendez-vous no 3. C’est loin. Tout s’est bien passé. Je vous conterai le détail, demain, en route. Ce que je puis vous dire maintenant, c’est que le roi ne s’ennuiera pas au reçu de notre prochain rapport.

Et les quatre jeunes gens, franchissant la Sprée, s’enfoncèrent dans les rues désertes des quartiers de la rive droite.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Trois jours ont passé. Le populaire grouille sur la pelouse du champ d’aviation de Grossbeeren.

Les chemins de fer, automobiles, véhicules de toute espèce, ont amené les curieux de tous les points de l’Empire.

Il y a là non seulement les fervents de l’aviation, les pangermanistes, ces propagandistes dangereux de la domination mondiale de l’Allemagne, mais encore tous les chercheurs d’émotions.

Ceux-ci avaient été attirés par la publication de la lettre remise à l’Empereur, durant la Grande Réception.