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MISS VEUVE.

son adresse ; il en extrait une feuille de papier, la parcourt du regard.

Une rougeur ardente monte à son visage. Dans ses yeux s’allument des éclairs. Il se dresse tout debout, terrible, menaçant.

— Que les portes soient gardées. Que personne ne puisse sortir du palais !

Et tandis que les officiers, les courtisans, qui ont entendu cet ordre inexplicable, s’élancent vers les issues pour transmettre à la garde du château le vœu du souverain, lui se rasseoit. Il se tourne vers les membres de sa famille, comme si, contrairement à son usage, il réclamait leur appui, et d’une voix sourde, qui tremble de colère et d’émotion, il murmure :

— C’est encore cette terrible Miss Veuve !

Il a parlé bas, et cependant il semble que ses paroles se sont répandues à travers les salles. En cinq minutes, il n’est bruit que de l’aventure. Chacun répète la phrase inquiète :

— Il parait que sa Majesté vient de recevoir une missive de Miss Veuve.

Peu à peu, les groupes refluent vers les portes de la Salle des Chevaliers. Chacun voudrait voir le visage du souverain.

Mais déjà des gardes ont été apostés. Ils ne permettent pas d’entrer dans la vaste pièce où l’Empereur a voulu rester seul avec ses proches.

Il leur parle d’un ton amical. Il dit :

— Vous le savez tous. Dans trois jours, sur le champ d’expériences de Grossbeeren, une journée d’apothéose a été préparée à la science allemande. Nos ingénieurs doivent présenter à la foule enthousiaste un aéroplane de guerre, supérieur à tout ce qui existe actuellement.

— Oui, Sire. Eh bien ?

On n’interroge pas l’Empereur, l’étiquette le défend. Mais l’anxiété générale est telle que les assistants ont oublié cette règle fondamentale des rapports avec le Maître ; que lui-même ne paraît pas s’en souvenir. Il continue :

— J’ai invité le Corps diplomatique tout entier, les généraux de tous les corps d’armée, les délégations académiques, universitaires. Je voulais que le monde fût secoué par un hymne à la grandeur de l’Allemagne. Or, savez-vous ce que l’on m’enjoint par cette lettre d’une déconcertante audace ?

Et tous murmurant :

— Dites, dites, Sire.

Il la déploie : d’un accent où l’on sent la rage de la blessure morale, il lit :