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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Ah ! murmura-t-elle comme saisie par l’affirmation.

— Ce brave prisonnier s’aperçoit que la jeune personne est belle, qu’elle est bonne, et douce… Vos attentions effaceront la hideur de mes actions.

Il gonfla ses joues qui, certes, n’avaient pas besoin de ce supplément de rotondité, et narquois :

— Au surplus, mes actions ne sont pas aussi noires qu’elles le paraissent de prime abord. Je ne suis qu’un simple rouage dans l’énorme machine gouvernementale allemande. Je suis esclave des ordres qui me sont donnés ; je les exécute à regret.

Le visage de la blonde Margarèthe se dérida :

— Quoi ! c’est le gouvernement impérial qui a donné l’ordre épouvantable de ruiner Fairtime-Castle, de sacrifier de malheureux serviteurs.

Elle ne continua pas. Son interlocuteur riait à se tordre.

Comme elle l’interrogeait du regard, troublée par cette gaieté soudaine, il reprit d’un coup une expression sérieuse, et alignant des paupières, levant l’index comme pour donner plus de force à ses paroles :

— Prenez garde, ma fille adorée, vous allez me donner des doutes sur votre intelligence ! incroyable ! ma fille se révèle d’une naïveté rare. Alors, ma chère, apprenez donc pour votre gouverne, que vous devez, en tant qu’Allemande, le plus absolu respect au gouvernement de l’Empire, et que par suite, en aucun cas, vous ne sauriez avoir le droit de le supposer capable d’ordonner ce que vous qualifiez, à tort s’entend, de monstrueux.

D’une voix railleuse, il acheva :

— Nos prisonniers, eux, sont des Anglais. Rien ne s’oppose donc à ce qu’ils croient ce que vous leur direz à ce sujet.

Cette fois, Marga avait compris. Elle se redressa ainsi que sous un coup de cravache :

— Vous voulez que j’explique ainsi leur captivité ?

Il eut un sourire narquois :

— Je ne veux rien, ma jolie Marga. Je te donne le moyen d’établir un modus vivendi acceptable avec nos prisonniers. Et puis, reprit-il d’un air mystérieux, ne m’avais-tu pas dit naguère que tu te remarierais volontiers.

Elle inclina la tête, une rougeur envahissant ses joues.

— Eh bien, ma chérie, François de l’Étoile est mort, les Fairtime sont colossalement riches… Tu as une pitié profonde pour les captifs. Qui sait ! Les exemples abondent de prisonniers donnant leur nom à une aimable geôlière.