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MISS VEUVE.

— Eh bien, cher M. Tiral, vous êtes toujours content ?

L’ancien employé des frères Loisin enveloppe Liesel d’un regard attendri.

— Comment ne le serais-je pas ; grâce à vous, grâce au docteur que vous nous avez amené, l’esprit de ma Liesel m’est rendu, ma fille reconnaît et aime son père.

— Ne parlons plus de cela. Ne vous l’avais-je pas promis ?

— Vous avez beau dire, ma vie vous appartient.

Il joignait les mains, le brave Tiral, en face du misérable en qui il pensait voir un bienfaiteur. Celui-ci interrompit ses effusions.

— J’accepte ; votre existence m’appartient. Donc, vous allez l’employer comme je vais vous l’indiquer. Ah ! mon bon M. Tiral, ce n’est pas le tout que d’avoir rendu la raison à votre chère et charmante Liesel, il faut encore songer à son avenir.

— Son avenir, mais ne vous ai-je pas confié… ?

— Justement. Ce « trésor », ce gîte que vous avez découvert en Amérique. L’heure est venue d’en prendre possession. Eh ! Eh ! la richesse convient aux jolies filles. Elle leur donne le sourire.

— Oh ! murmura la créole, je souris sans cela.

D’un geste paternel, Von Karch lui prit la main, et la tapotant affectueusement :

— Je le reconnais, fraulein, je le reconnais ; sans cela je n’aurais pu remarquer combien attrayante est votre bonne humeur. Néanmoins, la fortune est nécessaire. Vous ne savez pas, jeune fille, combien les soucis de l’existence altèrent une physionomie joyeuse.

Puis, sans accorder à l’interpellée le loisir de répondre, l’espion fit face à Tiral.

— Cher Monsieur Tiral, je vous avais promis de m’occuper de vous. J’ai tenu parole. Cette nuit, nous quitterons la maison.

— Cette nuit ?

— Eh oui ! Par la Havel et l’Elbe, une embarcation nous portera au grand port de Hambourg. Là, un steamer de la Norddeutscher Lloyd vous transportera aux États-Unis, à New-York, d’où vous vous dirigerez, comme vous l’entendrez, vers votre gîte de fortune. Comme convenu, vous serez nanti des cinq cent mille marks (625.000 francs) que je vous prête, afin que le nerf de la guerre ne vous fasse pas défaut.

— Quel ami vous êtes, balbutia le comptable ému ! Quel jour heureux que celui où je vous ai rencontré !