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MISS VEUVE.

De sa fuite, il ne reste qu’un nuage de poussière retombant peu à peu sur le sol.

Von Karch, inconscient des adversaires qu’il a laissés en arrière, ne ralentit pas son allure.

Il demande à sa machine tout ce qu’elle peut donner. On croirait qu’il fuit un ennemi invisible.

Il a atteint Charlottenbourg. Là, pour se conformer aux règlements de police, il modère sa marche.

Évidemment, il estime ceci préférable aux lenteurs d’une contravention.

Mais l’agglomération traversée, il reprend sa course endiablée. À présent, il roule sur la route de Postdam, les mains agrippées au volant, le dos rond, la tête penchée en avant. Tout son être exprime qu’il voudrait accroître encore la rapidité du véhicule.

— Je voudrais être arrivé, monologue-t-il. C’est idiot, quand je m’absente, je tremble toujours au retour. Stupide ! stupide ! Miss Veuve ne trouvera pas la cachette, tant que le Chancelier ne la lui indiquera pas. Et il se taira, ce brave Chancelier. Il l’a promis ; il est homme de parole. Demain, d’ailleurs, ses… bavardages auraient moins d’importance, et dans une huitaine, une quinzaine au plus, je m’en soucierai comme de ma première dent de lait.

Soudain, il fait meugler la trompe avec fureur.

Un cabriolet occupe le milieu de la route. Terrorisé par le vacarme, le conducteur jette son attelage sur le bas côté, et l’automobile passe, monstre rugissant, saluée au passage par les imprécations du voiturier. Qu’importe à l’espion, il est déjà loin.

— Le village de Glienicke, murmure-t-il avec un soupir de satisfaction.

Une route s’embranche sur la gauche de celle qu’il suit. Il y pousse son automobile, longeant la base de la colline de Bettcher, traverse la bourgade qu’il vient de nommer, franchit l’isthme séparant les lacs de Glienicke et de Griebnitz.

De nouveau, la machine file entre des murs, des grilles, dominés par les frondaisons de grands arbres.

À sa gauche, la forêt escalade des hauteurs. C’est le parc de Babelsberg, propriété privée de l’Empereur.

Et cependant, l’espion stoppe en face de la grille monumentale qui donne accès dans la résidence impériale. Il porte un sifflet à ses lèvres, en tire les sons qui, dans l’armée allemande, signifient : cessez le feu.

Et du pavillon de briques et pierres affecté au gardien de l’entrée, le