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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Elle remonta la rue Wilhelm, saluée au passage par deux coups de sifflet, lancés par un gamin, très actionné en apparence, à faire naviguer une brindille de bois dans le ruisseau.

Von Karch, qui avait regardé de son côté, fut trompé par l’indifférence affectée de l’adolescent, lequel n’était autre que Joé obéissant aux instructions de Tril.

Parvenu à la place de Paris, l’espion dirigea sa voiture suivant une diagonale, lui fit franchir l’une des arches de la porte de Brandebourg, et la lança à toute vitesse sur la route de Charlottenbourg, avenue centrale du bois de Thiergarten.

Ainsi l’espion passe avec la rapidité de la foudre en face de la Kœniggratzerstrasse. Il a l’impression fugitive qu’à l’angle de cette voie, un groupe s’agite, que des bras se tendent dans sa direction, mais emporté par la course de sa machine, les taillis de Thiergarten lui dérobent la vue de ceux qu’il a cru apercevoir.

Au surplus la chose ne saurait l’inquiéter, il vient de triompher du chancelier. Le Maître de l’Empire, c’est lui, l’Espion qui a pu dicter ses conditions. L’orgueil chante en son esprit, et la griserie de la vitesse fait monter à ses lèvres des phrases vaniteuses.

— Ils obéiront. Tout va bien. À présent, je vais expédier cet âne de Tiral et sa fille Liesel vers leur trésor, ce placer que je ne connais pas.

Avec un ricanement, il ajoute :

— Que je ne connais pas, mais qu’ils vont m’indiquer, les imbéciles. Comme cela, plus de témoins du passé et la fortune sauvegardée. Alors, je n’aurai plus qu’à m’assurer des otages contre la satanée Miss Veuve. Facile, facile !

Il éclate de rire, une pensée née en son cerveau :

— Et ce bon chancelier qui croit possible de divulguer ma retraite. C’est inouï comme les grands hommes d’État sont naïfs.

Et la machine obéissante roulait à une allure folle, emportant le sinistre mécanicien qui riait toujours.

L’exaltation de Von Karch se fut encore accrue, s’il avait su à quel danger il venait d’échapper, du fait de la complicité inconsciente du molosse qui s’était rué sur Tril dans le parc de la Chancellerie.

Précipité à terre, sentant contre son visage le souffle brûlant de l’animal, le jeune Américain, mû par l’instinct de la conservation plutôt que par un raisonnement, avait empoigné à deux mains le museau de l’animal, appliquant les mâchoires menaçantes l’une sur l’autre.