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LE VOLEUR DE PENSÉE.

gance de sa personne… Mais l’attention s’accrochait toute à sa figure régulière, soigneusement rasée. On y lisait la bonté, la droiture, le courage et aussi la volonté opiniâtre, trahie par l’arcade sourcilière nettement tracée, par les yeux d’un bleu profond dont le regard se fixait net, précis sur son interlocuteur, un vieillard, aux cheveux grisonnants, à l’air résigné d’un vaincu de la vie.

Au dehors, dans la foule, on ne parlait que de ces deux hommes.

Des groupes enthousiastes retraçaient la carrière de François, pupille de l’Assistance publique, boursier au collège, bachelier philosophie et mathématiques élémentaires à seize ans, entré à Polytechnique à dix-huit, avec le numéro trois, sorti le premier enlevant la mention « Sujet exceptionnel ».

Puis son entrée comme ingénieur chez les frères Loisin, les constructeurs d’aéroplanes de Billancourt ; la maîtrise du jeune ingénieur s’affirmant de suite dans la construction et dans le pilotage des appareils planeurs.

On accordait des paroles sympathiques à son compagnon, le vieux M. Tiral, comptable chez les frères Loisin, uniquement parce que l’on connaissait l’affection paternelle, admirative, que le bonhomme, solitaire ou épave de la société, avait vouée au jeune ingénieur.

À quels transports se fût porté le public s’il avait pu entendre ce que Tiral disait à ce moment même à l’idole du jour !

— Ce Championnat mondial, c’est le triomphe, mon cher François !… Si, si, ne secouez pas la tête ; à quoi bon la modestie avec moi. Ne m’avez-vous pas permis de comprendre que vous savez, à cette heure, ce que l’aviation sera dans vingt ans.

— Je puis me tromper, mon vieil ami.

— Allons donc, impossible !… Oh ! mon avis, à moi, pauvre diable de comptable, ne signifie rien. Mais songez donc aux Loisin et surtout aux Fairtime, ces puissants industriels anglais, quinze usines, quarante-neuf mille ouvriers ! Quand ces gens-là s’inclinent devant un savant sans fortune, cela signifie un sentiment voisin de l’admiration.

— Oh ! le mot est fort, protesta François sur les joues de qui une rougeur avait monté au nom de Fairtime.

— Fort ? Trouvez-en un autre. Péterpaul Fairtime et sa sœur Édith viennent essayer un aéroplane à Billancourt. Ils ne veulent être pilotés que par vous. Après la réception de l’engin, M. Péterpaul vous déclare, approuvé par miss Édith, qu’il est archimillionnaire ; qu’il est convaincu qu’un ingénieur de votre valeur doit avoir en réserve quelque invention étonnante