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MISS VEUVE.

dats ou agents de garde. Il jugea cela inutile. La personne signant « Miss Veuve » affirmait avoir pénétré dans le bureau par ses seuls moyens, c’est du moins ce qui se lisait entre les lignes.

Le préfet ne douta pas. Son esprit lucide discerna sur-le-champ la réalité. Un être doué sans doute d’une puissance formidable, se révélait. Il parlait d’estime, de confiance. Avant tout, il importait de savoir ce qu’il désirait faire entendre au destinataire de son envoi mystérieux.

Aussi, jetant journaux et courrier sur un fauteuil, M. Lepiquant saisit le paquet, le débarrassa de son enveloppe bicolore, et mit à nu un cahier de papier pelure couvert de caractères frappés au dactylographe.

En tête de la première page, cette recommandation soulignée :

« Lisez avec attention. Je vous sais honnête homme. Je vous crois clairvoyant. Je souhaite que vous communiquiez ce dossier à la presse française qui publiera ce que la presse allemande, ligotée par l’autorité, n’oserait mettre sous les yeux des lecteurs.

« Une lutte sans merci s’ouvre. Je veux que le grand public juge.

« J’ai compté sur vous. »

Cette fois, l’étonnement du préfet voisina avec la stupéfaction.

L’incendiaire d’Eissen sollicitant sa collaboration, à lui, dont le devoir strict était de le poursuivre ; vraiment, la chose dépassait les limites permises de la bouffonnerie.

Et pourtant, M. Lepiquant se sentit impressionné ! Il eut l’intuition fugitive qu’un incident anormal, extrahabituel, se dressait devant lui. Une expression grave envahit sa physionomie, et à haute voix, comme s’il avait supposé son correspondant inconnu en mesure de l’entendre, il prononça :

— Eh bien, Miss Veuve, puisque vous le souhaitez, je vais lire.

Il regarda la pendule occupant le milieu de la cheminée.

— Six heures et quart… Je ne serai pas dérangé avant huit ; la galanterie et la pendule me permettent de consacrer ce laps de temps à cette énigmatique miss Veuve.

À la suite de la note recommandant la lecture se trouvait une lettre, M. Lepiquant la parcourut d’un regard avide. Elle allait lui amener un nouvel et plus vif étonnement. Voici ce que déchiffra le préfet.

..... « Monsieur le préfet,

« Quel est mon nom, peu importe. Vous le saurez probablement un jour, lorsque j’aurai mené à bien la tâche que je me suis donnée.

« À l’époque romantique, je me serais appelé le « Vengeur » ou le « Justicier ».