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LE VOLEUR DE PENSÉE.

respond assez exactement à notre société des monuments historiques et a, comme celle-ci, pour but de conserver intactes les constructions artistiques léguées à notre époque par les générations disparues.

Vingt-quatre heures après la décision prise par Léopold Von Karch, le fourbe Allemand et sa fille se trouvaient là, en face de ce mausolée, au milieu de la famille Fairtime accompagnant le cercueil de François de l’Étoile, à la dernière demeure que lui avait attribuée la volonté inexorable d’Édith.

La jeune fille avait fait plier toutes les résistances autour d’elle.

Aux objurgations de son père, de son frère Jim, elle avait répondu avec une obstination farouche :

— Me compromettre, rendre impossible pour moi tout mariage. C’est là ce que je souhaite. Je n’ai pu passer ma vie auprès de lui, je veux qu’elle s’écoule dans l’unique espoir de partager la même tombe.

Chose étrange. Péterpaul avait soutenu sa sœur.

Le robuste garçon, réputé jusque-là assez insoucieux du sentiment, semblant réserver toute sa tendresse pour les exercices sportifs, s’était révélé, à la surprise générale, romanesque et tendre.

— Édith a pleinement raison, avait-il déclaré. Et je ne conçois pas qu’on la contrarie, alors qu’elle exprime le désir le plus naturel. La mort du brave ingénieur est déjà un malheur. Prenez garde qu’en interdisant à la chère petite sœur la joie douloureuse de veiller sur son sommeil éternel, vous ne la poussiez à sortir d’une existence qui ne lui promet pas beaucoup de charme.

Et lord Fairtime, Jim, impressionnés par la menace voilée contenue dans les paroles du robuste Péterpaul, avaient cédé.

L’influence personnelle du lord avait triomphé sans peine de tous les obstacles administratifs. Le corps du prisonnier défunt avait été officiellement remis à « lord Fairtime impétrant à cette fin », le permis d’inhumer en sépulture privée, le transport sur route par voiture non munie de signes distinctifs, avaient été délivrés sans difficulté.

Édith, vêtue de deuil, le long voile des veuves cachant son doux visage, avait voulu accompagner le funèbre colis durant le chemin de la prison de Newgate à Fairtime-Castle.

Là encore, le lord s’était incliné devant la volonté de la jeune fille.

Et, ma foi, il en était arrivé à ne pas regretter trop sa condescendance.

Tout le jour, une avalanche de cartes de visite, de lettres, de télégrammes de condoléances, s’était abattue sur le château.