Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
LE VOLEUR DE PENSÉE.

« Au reçu d’un télégramme l’avertissant du trépas de ce dernier, elle a réclamé le corps du coupable, que la mort arrache à la punition.

« Elle a déclaré vouloir qu’il fût inhumé dans la chapelle-caveau de famille, édifiée sous les ombrages du parc de Fairtime-Castle, voisin de Wimbleton. Elle a arboré le deuil des veuves, et affirmé sa résolution de ne se marier jamais.

« Certes, cette exaltation d’une jeune âme aimante est respectable, vénérable même, mais il nous semble que le strict devoir de la famille eût été de réagir contre ces démonstrations exagérées, et, disons le mot, inutilement compromettantes.

« Nous n’insisterons pas cependant. La mort passe ; inclinons-nous. »

— Eh bien, Marga, vous voyez ? conclut l’Allemand en repliant lentement le journal.

Elle n’eut pas le temps de répondre. On heurta à la porte. Celle-ci s’ouvrit aussitôt, et écartant le garçon qui le précédait, M. Tiral fit irruption dans la pièce, tirant après lui Liesel, celle-ci marchant d’un pas d’automate, ses grands yeux noirs fixés, comme à l’ordinaire, sur le rêve indéchiffrable de sa folie.

— Vous ?

— Moi. J’ai obtenu l’exeat de Bedlam. Je suis accouru vers l’ami, le bienfaiteur que vous nous avez révélé, pour vous dire : Quand partons-nous ? Quand rejoignons-nous le docteur qui, peut-être, rendra la raison à mon enfant ?

— Et vous avez bien fait, s’écria Von Karch se mettant par un brusque effort au diapason de son interlocuteur. Je vous demande deux jours pour terminer quelques affaires. Dans deux jours, nous partirons.

— Oh ! merci ! merci !

Tiral prit avec ravissement les mains de l’Allemand, puis il courut à Liesel toujours insensible, l’étreignit dans ses bras, couvrant son visage de baisers.

— Nous te guérirons, mon aimée. Tu sauras que tu as un père qui t’aime plus que la vie.

Il continua ainsi, parlant comme si elle pouvait l’entendre.

Von Karch profita de cet instant pour glisser à l’oreille de Margarèthe :

— Vous l’emmènerez pendent ces deux jours, Marga. Il sera bon que Liesel soit un peu débarrassée de sa présence.

Et s’adressant de nouveau à M. Tiral :