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LE VOLEUR DE PENSÉE.

— Dormir ainsi, cela ne m’est jamais arrivé.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? Et ce jeune Américain ?

Une inquiétude soudaine projeta Von Karch sur ses pieds. Avec sa nature défiante, le soupçon naissait aisément en lui…

Il fouilla vivement ses poches, en grommelant :

— Est-ce que ce diable de Yankee ?…

— Que voulez-vous dire ? interrogea Margarèthe.

Son père ne répondit pas. Un à un, il tirait de ses innombrables poches les divers objets dont Tril avait fait l’inventaire.

Rien ne manquait. Les clefs, la montre, l’argent… le carnet rouge.

L’agent allemand ouvrit le petit cahier, le feuilleta.

— Oh ! gronda-t-il, la fabrication du papier laisse bien à désirer. Toutes les pages sont collées. La chaleur du corps sans doute. Bah ! ceci n’est rien. Mes notes sont toujours invisibles dans la pâte, donc mon inquiétude disparaît.

Et comme sa fille demandait :

— Mais enfin, père, à quoi pensez-vous ?

— À rien ! répondit-il… Je croyais avoir perdu quelque chose. Croyance erronée, chère petite Marga, tout à fait erronée. À propos, quelle heure est-il ? Ma montre est arrêtée.

— Tiens ! la mienne également.

L’Allemand eut un geste d’impatience et appuya fortement sur la sonnette électrique. C’était là la cause du carillon qui fit se précipiter le garçon d’étage dans l’appartement.

— Ah ! gentleman, déclara-t-il, je m’inquiétais de ne pas vous voir ce matin. Une heure encore, et j’aurais averti le « manager ».

L’air ravi du domestique montrait qu’en effet il avait connu l’anxiété.

— Il est donc bien tard ? questionna Von Karch.

— Pour la promenade, il n’est pas tard, gentleman ; mais pour se lever, il est tard.

— C’est-à-dire ?

— Qu’il est un quart avant deux heures après-midi.

À ces mots, Margarèthe se trouva debout à côté de son père.

— Deux heures moins le quart ?

— Vous divaguez, garçon.

— Non, non, répliqua l’interpellé avec un rire sournois. Le breakfast (déjeuner) est terminé. Oh ! on peut dire que le gentleman a une conscience pure, car il dort à établir un record.