Page:Itinéraire de Cl Rutilius Numatianus, poème sur son retour à Rome, trad Despois, 1843.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

pilote placé à la poupe. Cette route incertaine est indiquée par deux arbres, et enfermée entre deux rangs de poteaux : on a coutume d’y attacher de grandes branches de laurier, qui frappent les regards par leurs rameaux, par leur verte et épaisse chevelure ; on a voulu ainsi qu’entre les algues qui croissent sur le limon accumulé contre les poteaux, le chemin, nettement tracé, conserve toujours ces signaux.

Je suis forcé d’aborder, le Corus soufflant alors avec cette violence qui brise souvent d’épaisses forêts. À peine pouvons-nous, dans les maisons voisines, nous abriter contre la pluie qui tombe par torrents ; nous trouvons près de là un asile dans la maison d’Albinus, mon ami ; car je peux lui donner ce titre, quand Rome lui, a transmis ma charge, quand il est revêtu des fonctions civiles que je remplissais. Son mérite compense sa jeunesse et n’a pas attendu le nombre des années ; c’est un jeune homme par son âge, un vieillard par la gravité de ses mœurs. La conformité de nos cœurs nous inspira une mutuelle considération ; notre sympathie s’accrut par des services réciproques. Il me céda les rênes du pouvoir, quoiqu’il y pût parvenir ; mais aimer son rival heureux, c’était l’emporter sur lui.

J’eus le temps de voir les salines placées au pied de sa villa ; c’est ainsi que l’on nomme un marais salant ; la mer y est déversée par des canaux creusés dans la terre, et des rigoles viennent la distribuer dans des réservoirs séparés. Quand le Sirius approche de nous ses feux brûlants, que les herbes se flétrissent, que la sécheresse règne dans les campagnes ; alors, avec des digues, on ferme l’accès à la mer, et le sol échauffé condense dans les réservoirs ses ondes devenues immobiles. Cette eau, douée de la propriété de se coaguler, absorbe les rayons brûlants du soleil ; et les chaleurs de l’été en font une croûte épaisse, semblable à la surface glacée qui couvre le sauvage Ister, lorsque ses flots enchaînés portent d’énormes