Page:Itinéraire de Cl Rutilius Numatianus, poème sur son retour à Rome, trad Despois, 1843.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

de moi ; mais cette séparation n’a pas désuni nos deux âmes.

Je m’embarque enfin à l’endroit où le Tibre, séparé en deux branches, se jette vers la droite. On évite l’autre embouchure, obstruée par les sables ; il ne lui reste que la gloire d’avoir reçu Énée. Déjà Phébus avait cédé un plus grand espace aux heures de la nuit, et le ciel pâlissait sous le signe du Scorpion. Nous hésitons à nous risquer sur la mer, nous restons dans le port, et nous supportons sans regret le repos auquel nous sommes condamnés, tandis que le coucher des Pléiades agite les ondes perfides : nous attendons que la mer orageuse ait laissé tomber sa colère. J’aime à regarder souvent la ville encore peu éloignée, et à contempler ses collines qui s’évanouissent à notre vue ; partout où se portent mes regards, ils jouissent de cette contrée chérie ; je crois toujours apercevoir ce que désirent mes yeux. Et ce n’est pas la fumée qui m’indique la place où s’élève la cité dominante, la tête de l’univers ; pourtant Homère nous vante le charme d’une fumée légère, qui monte vers le ciel du sein d’un lieu chéri : c’est la blancheur du ciel, la sérénité de l’air qui révèle les sommets éclatants des sept collines. Là rayonne toujours le soleil, et la pureté de la lumière semble doublée par le jour que Rome se fait à elle-même. Souvent à mes oreilles étonnées retentissent les bruits du cirque ; une ardente clameur m’annonce que la foule remplit le théâtre. L’air ébranlé m’apporte des sons familiers ; est-ce une réalité ? est-ce une illusion de mon cœur ?

Nous attendons quinze jours le moment de nous confier à la mer, celui où la nouvelle lune nous promet un vent favorable. Prêt à partir, je renvoie à Rome et à ses études Palladius, l’espoir et l’honneur de ma race ; cet éloquent jeune homme venait d’être envoyé des Gaules à Rome