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Mais ma fortune m’arrache à ce sol bien-aimé ; et les champs de la Gaule me rappellent au lieu de ma naissance. Ces champs ont été dévastés par de trop longues guerres ; mais plus leur aspect est triste, plus ils ont de droits à ma pitié. On est moins coupable d’oublier une patrie heureuse et calme ; mais les malheurs publics exigent de chaque citoyen tout son dévouement. Je dois aux foyers de mes pères mes larmes et ma présence ; souvent la douleur vient utilement nous rappeler à nos devoirs. Il ne m’est plus permis de méconnaître ces longs désastres, qu’on a multipliés encore en négligeant de les réparer. Il est temps, après tant d’incendies qui ont dévoré ces domaines, d’y rebâtir au moins d’humbles chaumières. Nos fontaines, si elles avaient une voix, nos arbres mêmes, s’ils pouvaient parler, pourraient par de justes plaintes stimuler ma lenteur, et hâter mon retour en réveillant mes regrets.

Bientôt, me séparant de la ville chérie, je cède enfin, et je me résigne, mais avec peine, à ce retour, bien tardif cependant. Je choisis la route de mer ; dans la plaine les fleuves débordés, sur les hauteurs des rochers à pic, rendent la route de terre difficile. Depuis que la campagne de Toscane et la voie Aurélienne, que la main des Goths a dévastées par le fer et par la flamme, n’ont plus d’habitations pour éloigner les forêts ; de ponts pour contenir les fleuves, la mer, malgré ses dangers, est une route plus sûre.

Mille fois je colle mes lèvres sur ces portes qu’il me faut quitter ; mes pieds ne dépassent qu’à regret le seuil sacré. Par mes larmes, par mes hommages, je conjure Rome de me pardonner mon départ ; mes pleurs entrecoupent ma voix.

Écoute-moi, reine magnifique du monde, devenu ton domaine, Rome, toi dont l’astre brille parmi mes étoiles ; écoute-moi, mère des hommes, mère des dieux, tes temples nous rapprochent du ciel. Je te chante et te