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avec droit de l’administrer, à sa guise, mais sous condition de rester mariée. Ainsi rivée à l’homme qu’elle détestait, elle sut se plier à la volonté du Turc, par crainte de se voir dépossédée, fit la chatte, gagna sa confiance au bout de plusieurs années de pénible fidélité, et à sa mort, réussit à lui arracher la fortune qui lui était destinée, et qu’elle plaça entre les mains de ses deux frères qui l’adoraient.

Alors commença la vie de fêtes, de plaisirs et de folles amours que j’avais sous les yeux, et que mon père ne pouvait plus empêcher malgré toute sa brutalité. Ma mère lui aurait volontiers fait cadeau de sa dot s’il eût voulu lui rendre la liberté, mais il tenait à se venger de son déshonneur. Le jour de leur séparation, en emportant tout ce qui lui appartenait, il avait dit à maman, en nous montrant, moi et Kyra :

« Ces deux serpents, je te les laisse ; ils ne sont pas mes enfants, ils sont comme leur mère !…

— Voudriez-vous qu’ils fussent comme leur père ? » avait-elle répondu. « Vous êtes un homme sec, un mort qui empêche les vivants de vivre… Je suis même très étonnée que votre sécheresse ait pu faire bourgeonner cette autre pousse sèche, qui est bien votre fils, mais pas le mien. »