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chose ?… Dans deux jours il n’en restera plus trace… Et alors, nous inviterons des moussafirs !… Tant pis pour les coups !… »

Nous nous inquiétions de son corps ; il devait être affreux à voir… Elle s’exclamait :

« Oh, le corps !… Le corps ne se voit pas ! »

Et les meurtrissures guéries, les fêtes recommençaient de plus belle.

On ne faisait dans la maison aucune sorte de cuisine, car ma mère avait le cœur soulevé par l’odeur de l’oignon rôti. Elle était abonnée à une locanda[1] voisine, qui nous envoyait tout le nécessaire : soupes, mets, gâteaux, crèmes, dans des vases en cuivre étamé fournis par ma mère. Une blanchisseuse venait le lundi matin prendre le linge de la semaine et laisser celui qu’elle apportait propre. Avec le vieux Turc marchand de pommades et de drogues, c’était là tout le monde que je vis entrer dans la maison, — à part les moussafirs naturellement, qui n’étaient pas toujours certains de sortir par où ils entraient ; à part, également, mon père et mon frère aîné qui étaient des « moussafirs non invités » et nous faisaient des

  1. Hôtellerie.