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faire la paix, ma mère leur donna l’accolade.

Mais ces accolades, ces baisers, lui étaient un moyen bon à récompenser des choses bien diverses. Pour une belle voix, un mot amusant, un beau jeu, elle donnait ses baisers ; et elle en faisait autant lorsqu’il fallait égayer un boudeur, effacer l’impression d’une parole blessante, calmer un furieux trop jaloux, payer la perplexité d’un sot.

Kyra, de son côté, excellait à sa façon. Très développée physiquement dès sa quatorzième année, elle passait pour avoir deux ans de plus. Étourdie et narquoise, avec son petit nez un peu rabattu, son menton saillant, les deux fossettes où le dieu de l’amour avait planté deux grains de beauté presque symétriques, Kyra mécontentait ses amoureux et moi avec ses espiègleries, ses railleries, ses plaisanteries. Les premiers voulaient obtenir davantage ; et moi, je jugeais qu’elle leur donnait trop.

On appelait des moussafirs[1] les courtisans qui venaient chez nous. Et ces moussafirs lui baisaient les mains et les sandales, à tout propos. Elle allait les tirer par le nez ou par la barbe ; leur ver-

  1. En roumain : invité, visiteur.