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était moins difficile, et si le talus du plateau eût pu parler, que d’êtres n’avait-il pas vu dégringoler sur sa pente !…

Cramponné à la fenêtre, j’avais l’œil fixé sur la lanterne qui éclairait, toute la nuit, au-dessus de la porte, et l’oreille prête à entendre le bruit des gonds rouillés.

Mais je voulais avoir un œil également sur la fête de l’intérieur. Ma mère et Kyra étaient belles à vous rendre fou, dans leur corsage serré « à faire passer leur taille dans une bague », les seins bombés comme deux melons ; la riche chevelure défaite, répandue sur le dos et sur les épaules nues ; le front encerclé d’un ruban rouge écarlate, et les longs cils papillotant diaboliquement, comme pour attiser le jet de flammes de leurs yeux embrasés par le désir.

Souvent, dans leur course à plaire aux femmes, dans leur bavardage insensé, les invités se rendaient ridicules. C’est ainsi qu’un soir, un d’eux, voulant complimenter ma mère, dit que « les vieilles poules font la bonne soupe ». La pauvre femme, vexée, lui lança l’éventail à la tête, et pleura. Un autre invité se leva en colère, donna une tifla au maladroit et lui cracha au visage. Ils se prirent par le collet, chambardèrent la maison, renversèrent les narguilés. Cela nous fit rire aux larmes. Pour