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qu’au sang. Cependant, si mon père ne lui prodiguait pas les caresses, ses amants la dédommageaient brillamment ; et je n’ai jamais su si, à l’origine, ce fut ma mère qui commença par tromper son mari et se fit battre, ou si ce fut mon père qui débuta par maltraiter sa femme et se fit tromper. En tout cas, la noce n’a jamais cessé chez nous, car les cris de plaisir alternaient avec les cris de douleur ; et à peine la raclée finissait que les rires éclataient sur les visages baignés de larmes.

Moi, je montais la garde, en mangeant des gâteaux, pendant que les courtisans, — avec des manières, d’ailleurs, assez décentes, — restaient assis à la turque sur le tapis, chantaient et faisaient danser les femmes, en leur jouant des airs orientaux sur une guitare accompagnée de castagnettes et d’un tambour de basque. Ma mère et Kyra, vêtues de soie et dévorées par le plaisir, exécutaient la danse du mouchoir, tournaient, pirouettaient, s’étourdissaient. Puis, la face enflammée par la chaleur, elles se jetaient sur de gros coussins, cachaient jambes et pieds dans leurs longues robes, et s’éventaient. On buvait des liqueurs fines et on brûlait des aromates. Les hommes étaient jeunes et beaux. Toujours des bruns, des noirs ;