Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils étaient tous les deux charrons, les plus adroits et les plus recherchés de la région ; et leur atelier se trouvait, du côté opposé de la ville, dans le quartier Karakioï, tandis que nous habitions dans la Tchétatzoué. Entre nous et eux s’étendait toute la ville. La maison de Karakioï appartenait à mon père. Il avait là deux apprentis qu’il nourrissait et logeait, ainsi qu’une vieille domestique qui s’occupait de leur ménage. Ils étaient sept. Nous n’allions jamais là-bas, et je connaissais à peine l’atelier du père, qui me faisait peur. Dans la Tchétatzoué, on était chez ma mère, nous ne fichions rien de tout le jour, on s’amusait… L’hiver, on buvait du thé, l’été des sirops, et toute l’année on mangeait des cadaïfs, des saraïliés[1], on buvait du café, on fumait des narguilés, on se maquillait et on dansait… C’était une belle vie…

Oui, c’était une belle vie, sauf les jours où le père ou son fils ou bien les deux faisaient irruption au milieu de la fête et assommaient la mère, assénaient des coups de poings à Kyra, et me cassaient leur bâton sur la tête, car maintenant je faisais moi

  1. Gâteaux turcs.