Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

après leur retraite, les chassent dans une autre, et fouillent le lit conjugal pour y trouver la preuve irréfutable de la chasteté de la jeune épouse, preuve qu’elles portent parfois en triomphe pour la montrer aux invités qui banquètent dans la salle à côté. J’ai vu mieux que ça : j’ai vu cet étendard porté au bout d’une perche, sur la route de Pétroï à Cazassou, entouré d’une bande de possédées qui hullulaient autour de leur scabreux trophée ; elles étaient accompagnées d’un tzigane raclant du violon, et allaient, à l’aube d’un lundi, porter « l’eau-de-vie rouge » à l’heureuse mère de la malheureuse vierge.

« Connaissez-vous, Mikhaïl, quelque chose de plus barbare et de plus abominable ? Y a-t-il de la perversion ou de la perversité, du viol ou de la violence, du vice ou du sadisme qui soient plus inhumains, plus cruels et plus inouïs que cette joie, ce spectacle, ce procédé malfaisant et honteux ?…

« Moi, je savais… Je connaissais tout cela quand le jour de noce vint. Non seulement ces mœurs écœurantes m’avaient toujours révolté ; mais à l’heure dangereuse où mes sens me trahissaient si piteusement, il était pour moi d’un intérêt vital d’écarter, de repousser au diable cette mascarade funeste.