Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

duisit tant bien que mal pendant trois heures de chemin, mais, arrivant au passage d’un gué, il arrêta net. Suffoqué et rouge de colère comme une écrevisse cuite, il abandonna les rênes de ses quatre chevaux et attendit, décidé à réclamer son droit à tout prix. L’archevêque s’impatienta et, au bout de quelque temps, sortit la tête par la portière, demandant la cause de l’arrêt. Le surugiu ôta son bonnet et expliqua humblement :

« C’est que, voyez-vous, Très Haute Sainteté : les chevaux sont habitués aux jurons du surugiu et comme je ne puis pas jurer, vu Votre Sainte Présence, ils ne me reconnaissent plus et refusent de mordre dans le gué. »

« L’archevêque recommanda :

« Criez-leur, mon fils : « Hi ! hi ! braves chevaux !… »

« Le surugiu, malin, répéta du bout des lèvres :

« Hi ! hi ! braves chevaux !… » Mais les bêtes ne mordirent pas.

« Il n’y a pas d’autres moyens que les jurons pour les faire partir ? » interrogea Sa Sainteté, perdant toute patience.

— Non, Saint-Père, je vous le dis : les chevaux ne marchent qu’avec de l’avoine et des jurons !…