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« Ainsi, le gouffre approchait, et j’allai droit à lui : je demandai la main de Tincoutza. Elle jubila, la maison se réveilla de sa léthargie, moi, je me sentais perdu. Les jours qui suivirent la demande en mariage ressemblèrent aux derniers instants d’un condamné à mort. Tincoutza était ravie :

« C’est l’émotion qui vous aplatit comme ça ? » me dit-elle un jour ; « comme je suis heureuse ! »

« Pauvre fille !

« Pour m’étourdir, je blaguais du matin au soir ; mais on s’aperçut bien que ce n’était pas comme avant, et le soir des fiançailles je fus à un doigt de m’évanouir. La parenté présente en fut très intriguée ; et, ainsi que ma fiancée, ils mirent mon trouble sur le compte de l’émotion. On me poussa à parler, on me pria de raconter. Je fouillai mon cerveau et ne trouvai rien. Mais le prêtre qui avait échangé les bagues, après avoir récité le souhait de l’église, me suggéra une anecdote.

« Il était question du travail des champs, et le pope se plaignait que ses ouvriers se moquaient de lui, allant trop lentement. Je dis, pour amorcer mon histoire :

« Si vous voulez les faire travailler plus vite, il n’y a qu’un moyen, père.