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fait vite des connaissances et on les défait aussi vite, mais un forain risque de se rencontrer avec un autre forain plus souvent qu’un mort avec le pope qui l’a enterré…

— Tiens, ça c’est malin, » grommelait le vieux.

« Je me conformais donc à cette ligne de conduite, et voici ce qui m’est arrivé ce jour-là. Je connaissais depuis peu de temps un forain appelé Trandafir, un tzigane qui prétendait vendre des colliers de rassades, mais en réalité courait les dupes qui se laissaient prendre à un jeu à trois cartes qu’on appelle : Voici le roi, où est le roi ? Pour tout dire, Trandafir était un voyou. Mais ce voyou m’intéressait. Avec ses colliers enfilés sur le bras, il venait s’appuyer contre mon étalage, fumait sa pipe sans rien dire et crachait jusqu’à ce que, dégoûté, je l’eusse chassé. Alors il se mêlait à la foule en criant : « Colliers ! colliers ! » Mais ses yeux fouillaient les têtes des paysans propres à devenir les clients de son jeu, et celui qui y entrait sortait les poches vides. Voulant lui faire gagner sa vie plus honnêtement, je lui avais proposé, une fois, de changer de métier :

« Quoi ? m’a-t-il répondu ; tu veux me faire ton associé ?

— Non, dis-je, je ne peux pas te faire