Stavro s’arrêta brusquement, poussa son compagnon contre une palissade, et reprenant pour un instant son image, crainte et domination, souffla dans le nez d’Adrien :
« Oui, je suis malhonnête !… Malheureusement, Adrien, je suis très malhonnête !… »
Et disant cela il voulut repartir ; mais Adrien, saisi d’une sorte de panique, l’empoigna par les revers de son veston, le retint et cria d’une voix étouffée :
« Stavro, reste ! Tu me diras maintenant la vérité !… Je vois deux hommes en toi ; lequel est le vrai ? le bon ? ou le fourbe ? »
Stavro se débattit :
« Je ne sais pas ! »
Et s’arrachant brutalement des mains d’Adrien :
« Laisse-moi tranquille ! » cria-t-il, fâché.
Puis, un peu plus loin, pensant avoir vexé le jeune homme, il ajouta :
« Je te le dirai quand tu n’auras plus le bec ourlé de jaune. »
Depuis, ils ne s’étaient plus revus ; Stavro battait les foires entre mars et octobre, pendant l’hiver vendait des châtaignes grillées Dieu sait où. À Braïla, il ne venait que pour s’approvisionner.