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Mais ce qui enthousiasmait Adrien, c’était les têtes de tzirs[1] et les blagues à tabac de Stavro. Au cours d’une conversation, celui-ci sortait de sa poche une de ces petites têtes de poisson desséchées, à la gueule ouverte et aplatie, et il l’accrochait doucement au bas du veston de l’autre bavard. Le bonhomme partait et promenait dans la rue la tête qui lui mordait l’habit pour le plus grand amusement des passants.

Avec la blague à tabac c’était mieux. On sait qu’en Orient il est d’usage, pour qui désire rouler une cigarette, de demander leur tabatière aux gens avec lesquels on se trouve. Stavro ne manquait pas d’accoster les premiers venus ; mais sitôt qu’il s’était servi, au lieu de rendre la tabatière avec un remerciement, il la mettait dans sa poche, d’où, immédiatement, elle sortait par en bas et roulait à terre. Alors il se précipitait, la ramassait, l’essuyait, s’en excusait, et, voulant l’introduire dans la poche de son propriétaire, il la glissait à côté. La pauvre boîte qui était en métal nickelé ou en carton pressé, allait de nouveau sur le pavé :

« Ah, que je suis maladroit !

— Il n’y a pas de mal, monsieur », répondait, habituellement, le mystifié, exa-

  1. « Sorte de hareng saur » [Damé]