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lettres d’Amérique étaient devenues rares. Sélina, la jeune fille, n’était pas pauvre. Elle dirigeait une belle affaire de bijouterie. Cependant, son cœur ne se gaspillait pas trop en attentions pour la mère. Elle l’oubliait, et Set Amra se voyait obligée de vivre de longs jours avec du pain sec.

Nous nous apitoyâmes. Dès lors, nos repas furent pris en commun. Set Amra fut notre sœur et notre mère. Elle se régala de bons morceaux de viande de mouton frite, et son narguilé fut bien bourré de toumbak. C’était tout ce qu’il fallait. Elle loua Dieu de nous avoir envoyés chez elle, et écrivit des lettres d’une attendrissante reconnaissance à sa fille. Sélina répondit avec des remerciements pour les deux inconnus aux cœurs de frères.

Et le temps s’écoula dans la félicité.

Mais voilà que, gagnant peu, nos économies diminuaient à vue d’œil. L’automne arriva, et, avec lui, un refroidissement pour Barba Yani. J’allai chercher un médecin à Beyrouth, puis des médicaments ; les soins apportés améliorèrent l’état du cher ami, l’argent s’en alla.

L’hiver fut rigoureux pour un pays comme le Liban. Péniblement, j’arrivais à faire le nécessaire pour que nous ne