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instrument de musique que l’on voudrait entendre résonner ; l’instrument s’y était refusé.

D’ailleurs ils ne s’étaient vus que trois ou quatre fois au plus, toujours dehors. La maison de la mère était fermée à Stavro, comme toutes les maisons honnêtes. Et puis, que pouvait-il dire, le forain inconsidéré, au gamin choyé, dorloté, accaparé ?

Stavro était « un blagueur » pour tout le monde, et il l’était en effet, il voulait l’être. Dans son costume délabré et ramolli, même lorsqu’il était neuf ; avec son apparence de villageois citadin, la chemise non repassée, sans faux-col ; avec son air de maquignon voleur, il se livrait à des parades de langage et de gestes, qui amusaient les gens mais qui l’humiliaient et le déconsidéraient.

Il abordait ses connaissances, en pleine rue, par des sobriquets justes et comiques, jamais vexants. Beaucoup d’entre eux restèrent. Si quelqu’un lui plaisait, il l’emmenait au café, commandait un demi-litre de vin, et après avoir trinqué, sortait dans la cour « pour un besoin » et ne revenait plus. Et si une rencontre était de celles qui lui « tenaient la jambe », il lui disait vivement :

« Tel ami te demande dans tel café : cours vite !… »