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Avec ça, Barba Yani vieillissait. Une maladie de cœur le rendait d’année en année plus inapte à gagner sa vie. La fatigue l’accablait. Les mélancolies devenaient de plus en plus fréquentes. Moi, j’avais vingt-deux ans, j’étais fort, courageux et débrouillard. Quelques petites économies que nous avions pu faire me décidèrent à le convier à prendre du repos ; pour que ce repos lui fût agréable, je choisis, comme séjour, un pays encore inexploré par nous : le mont Liban.

Ô, le beau et triste mont Liban ! Rien que de penser à ce séjour d’un an, mon cœur se grise et saigne en même temps !… Ghazir !… Ghazir !… Et toi Dlepta !… Et toi Harmon !… Et toi Malmetein !… Et vous, cèdres aux longs bras fraternels, qui paraissez vouloir embrasser toute la terre !… Et vous, grenadiers, qui vous contentez de trois poignées de mousse ramassée dans la fente d’un rocher, pour offrir au voyageur errant votre fruit juteux !… Et toi, Méditerranée, qui t’abandonnes, voluptueuse, aux caresses de ton Dieu brûlant, et qui étales ton immensité sans tache aux pauvres fenêtres des maisonnettes libanaises, superposées face à l’infini !… À tous et à toutes, je dis adieu !… Je ne vous reverrai plus, mais mes yeux garderont à jamais