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douloureuse, un Grec, allongé sur le lit, cria : « Ah, petit vieux ! C’est à toi le garçon ?… Bonne marchandise pour l’endroit ! On s’en est régalé ! C’est toi qui l’as écrémé ? »

Blanc comme la cire blanche, Barba Yani me serra dans ses bras, et me dit d’une voix tremblante et étouffée :

« Sois fort ! Sois fort !… Demain tu sortiras d’ici pour être déporté !…

— Déporté ? » m’écriai-je. « Me séparer de toi ?…

— C’est la peine la plus douce que j’aie pu obtenir. Ta faute est grave : tu as voulu t’introduire, la nuit, dans un harem. D’ailleurs, console-toi, je t’accompagnerai. Le monde est grand, nous serons libres, et, à condition de m’écouter à l’avenir, tu seras heureux sur la terre turque… Allons, au revoir… Tiens-toi prêt pour demain à l’aube. »

Je n’ai pas pu dormir de toute la nuit. À la pointe de l’aube, on me sortit. Deux gendarmes à cheval, armés de fusils et de yatagans, étaient à la porte, avec une charrette. Alors je vis que nous étions trois condamnés à la déportation. Barba Yani était là, avec nos effets. On chargea le tout, et le convoi s’ébranla pour Diarbékir.

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