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l’être humain à fond. Si je suis resté bon en dépit de tout ce que j’ai vu, de tout ce que j’ai souffert, c’est simplement pour rendre hommage à celui qui a créé la Bonté, l’a rendue rare, et l’a placée parmi les brutes, — seule justification de la Vie.

Je me considérais comme enterré vivant ; je pensais à la mort. On racontait que des prisonniers, ne pouvant plus supporter leur torture, s’étaient pendus aux barres des soupiraux avec des lambeaux de leurs effets, pendant que tout dormait, la nuit. J’étais décidé à faire comme ces martyrs-là.

Cependant, une voix intérieure me poussait à l’espoir. Je savais que je n’étais plus seul au monde, comme avant. Un homme de cœur, un ami rare, était dehors. Il était pauvre et sans protecteurs, mais il était bon et intelligent. Il devait penser à moi, travailler à ma libération.

Je fus dans le vrai. Un jour, la porte de la cellule s’ouvrit, le gardien entra, et, derrière lui, Barba Yani !… Quel immense bonheur !… Seule l’apparition de Kyra eût pu me rendre aussi heureux. Mais, en même temps quelle tristesse ! Ce mois, avait blanchi les cheveux du pauvre homme ! Je me jetai sur sa poitrine en pleurant. Pour toute miséricorde, devant cette scène