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tout, invisible ; les portes bien fermées ne s’ouvrent pas en les forçant. »

Pas plus tard que le lendemain, les bras chargés de mon ibrik et du panier à tasses, je criais, vaillamment, à côté de Barba Yani : « Salep !… Salepgdi !… » Et je vis alors de quelle façon on faisait rentrer dans son kémir l’ami traître et sans cœur qui l’a quitté. Les sous tombaient de tous côtés, la liberté entrait dans ma bourse, et, le soir tombant, je goûtais le bonheur de l’homme qui peut vivre sans avoir les poches remplies d’or. En fumant nos narguilés sur une terrasse, je me pénétrai de la bonté qui rayonnait sur toute la personne de Barba Yani. Je lui fus reconnaissant, je l’ai aimé comme on aime un bon père et un ami. Je logeais chez lui, je travaillais avec lui ; les repas, nous les prenions ensemble, les heures de flâneries, nous les goûtions en commun, et ainsi nous devînmes inséparables. Une forte amitié ne tarda pas à nous lier, greffant la jeune pousse sur le tronc de l’arbre mûr.

Barba Yani alla même au-devant de ma curiosité en me dévoilant son passé. Ce passé n’était pas sans reproche ni amertume.

Daskalos (instituteur) dans une petite