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« Allez au diable ! Fichez-moi la paix ! »

Et j’éclatai en pleurs. Sa bonté rebondit :

« Pourquoi m’envoies-tu au diable, mon enfant ?… J’ai vraiment pitié de toi, je veux te secourir dans ton malheur !…

— Laissez-moi tranquille, vous tous, les hommes, avec votre pitié et votre cœur !.. J’en ai assez goûté !… Je veux mourir seul !…

— Oh, le malheureux ! Si jeune, et déjà dégoûté de la vie !… Mais, tout de même, bois cette tasse de salep chaud… Cela te remontera un peu. »

J’acceptai la tasse de salep, mais je ne savais plus que croire. Quelle règle, quelle compréhension fallait-il tirer de ma courte expérience, quand tant d’hommes, qui avaient commencé par se montrer bons et généreux, avaient fini par devenir bas et criminels ? Oui, à seize ans, je connaissais cette bassesse de l’âme humaine. Et je ne savais pas tout.

Je ne savais surtout pas que les œuvres de la Création sont infiniment complexes et variées, que mille ignominies souffertes ne nous donnent pas le droit de cracher sur l’humanité tout entière. Dieu lui-même a compris cela lorsque, fâché contre une humanité pécheresse, il décida de la punir