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dire au Mamour de vous laisser tranquille. Ils sont des amis. »

Avec quelle effusion je les remerciai !

En effet, je ne fus plus dérangé par la police. Très reconnaissant, je pensais même un jour trouver quelque autre moyen de lui prouver ma gratitude qu’en leur offrant des déjeûners, quand il vint lui-même m’en donner l’occasion :

« Je n’ai pas de chance au jeu, mon ami, » me dit-il à brûle-pourpoint ; « pouvez-vous me prêter deux livres turques ?

— Volontiers. »

Le lendemain il fut aussi peu chanceux que la veille et m’en redemanda deux autres. Le surlendemain, encore autant. Au bout d’une semaine, sa malchance me fit réfléchir, car, de ce train-là, ma fortune eût sombré avant trois mois. Le soir même de cette saine réflexion, je prenais le chemin de Damas en compagnie de deux gros marchands de tapis.

Cahoté dans un coin de la harabia, je songeais à la complexité de l’existence :

« Maintenant », me disais-je, « il faut que je fasse attention aux femmes qui donnent des baisers dans les couloirs obscurs. »

Damas fut pour moi un vrai chemin de Damas ; ma vie y changea de fond en comble.