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sauf dans certaines encoignures discrètes du Jardin où de jeunes couples se tenaient serrés et devenaient sérieux au passage des importuns. Adrien ne fit attention à aucun être humain qu’il croisa en chemin. Il aspirait, avide, l’air pur qui se levait du sable fraîchement arrosé, le mélange embaumé du parfum des fleurs et pensait à ce qu’il ne pouvait pas comprendre.

Il ne comprenait pas notamment l’opposition de sa mère au choix de ses relations, opposition qui venait d’éclater dans une violente discussion entre la mère et son fils unique. Adrien raisonnait :

« Pour elle, Mikhaïl est un étranger, un vaurien suspect, le domestique du pâtissier Kir Nicolas. Mais, quoi ?… Que suis-je, moi ?… Un peintre en bâtiment, et, en outre, un ancien domestique de ce même pâtissier !… Et si demain je vais dans un autre pays, devrai-je, nécessairement, par là, être considéré comme un vaurien ?… »

Irrité, il frappa le sol de sa semelle :

« Nom d’un tonnerre !… C’est une injustice révoltante pour le pauvre Mikhaïl. Moi j’aime cet homme, parce qu’il est plus intelligent que moi, plus instruit, et parce qu’il souffre la misère sans se plaindre. Comment ? S’il refuse de crier sur les toits son nom, son pays et le nombre des dents